Ces mots qui changent d'une région à l'autre

Mais pourquoi les Parisiens disent "un grec" pour parler d'un kebab ? Tipp-Ex ou blanco, crayon de bois ou crayon à papier… Le linguiste Mathieu Avanzi explique pourquoi certains mots changent d'une région à l'autre.

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Mathieu Avanzi est professeur au Centre de dialectologie de l’Université de Neuchâtel. Il s’est intéressé aux mots qui n’ont pas le même sens d’une région française à l’autre. Sur Instagram, il crée des cartes pour illustrer les différences de mots par région. “Avec les nouveaux médias, les jeunes sont enclins à utiliser des mots régionaux qui sont connus, normalement, a priori, dans une seule région. On va prendre l'exemple du cas de Marseille, avec des mots comme “tarpin” qui veut dire “beaucoup”, ou des mots comme “dégun” qui veut dire “personne”. Et ces mots ne viennent alimenter le français général. Ils viennent alimenter l'argot des jeunes” explique le linguiste.

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Aussi par ce qu'ils entendent des rappeurs marseillais notamment, certains qui viennent de la cité phocéenne. On entend beaucoup de gens s’appeler “fraté” ou "fradé”, qui est un mot corse qui veut dire “frère” ou “soeur”” ajoute l’expert en langue. “Les mots régionaux ont différentes origines. Il y a beaucoup de mots qui viennent des patois ou des dialectes ou des langues régionales, comme on les appelait, c'est-à-dire des langues que parlaient nos ancêtres”. Si on prend l’exemple du mot “la fête foraine”, jusqu’à Genève, on le désigne par “la vogue”. Dans le Sud de la France, on dit “fête votive”.


A part les mots qui viennent des dialectes ou des langues régionales qui étaient parlées naguère, il existe tout un tas de régionalismes, qui sont ce qu'on appelle des innovations ou des néologismes, c'est-à-dire des mots qui sont créés de toutes pièces pour correspondre à des nouvelles réalités” précise Mathieu Avanzi. Il donne un exemple : “Dans les années 1970, quand les premiers "blancs correcteurs” arrivent sur le marché, ils sont fabriqués en Allemagne par une entreprise qui s'appelait Tipp-Ex. Le mot "Tipp-Ex” est resté à Paris, mais dans le reste de la France, dans l’est, on parle de blanc, dans l'ouest, on parle de blanco.” 

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Quelle différence entre un grec et un kebab ?

L’immigration a également nourri la langue française. C’est notamment le cas de l’immigration grecque “qu’on a connue à Paris, avec les différents restaurants, par métonymie, on a appelé les sandwichs à la viande qu’ils vendaient des “grecs”, et c’est un usage qui est connu seulement dans l’Ile-de-France, dans la région parisienne. Dans le reste de la France, on a adopté d’autres termes comme le mot “kebab” et puis, du côté de l’Alsace, où il y a une immigration turque beaucoup plus focalisée, on utilise le mot “döner” commente le linguiste Mathieu Avanzi .


“Il y a énormément de mots qui sont en train de disparaître. Quand on interroge les grands-parents ou les personnes de plus de 60 ans, on peut voir que ces personnes connaissent des mots que les jeunes ne connaissent pas. Par exemple, les dénominations de la mâche, donc la mâche, c'est cette salade qu'on consomme surtout en hiver, qui aujourd'hui s'appelle "mâche" un peu partout, mais qui, il y a vingtaine d'années, s’appelait plutôt “doucette” dans l’ensemble du sud de la France. A l'inverse des mots qui disparaissent, il y a des régionalismes qui s'étendent, qui se dérégionalisent. Le "chalet” désignait une habitation typique des Alpes, une petite maisonnette en bois. Aujourd'hui, tout le monde connaît le mot "chalet”, puisque le référent s'est lui-même exporté. Pourquoi ces mots se dérégionalisent? Parce qu’ils rendent des services, si on veut, aux Français qui n'ont pas de mot, qui n'ont pas de concept précis, sans passer par des longues phrases ou des périphrases pour désigner tel ou tel objet. C'est comme ça que fonctionne la langue”.

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