Condamnée pour avoir accueilli un sans-papiers

Il y a 25 ans, Jacqueline Deltombe a été condamnée par la justice pour avoir logé un homme sans-papiers. Si elle devait le refaire, elle le referait.

“Je suis juste accusée d’avoir été trop sympa, en fait”


“Je suis juste accusée d’avoir été trop sympa, en fait”. Il y a 25 ans, à la télévision, Jacqueline Deltombe s’exprime sur son arrestation.


La jeune femme lilloise a été condamnée pour l’herbergement chez elle d’un jeune homme étudiant sans titre de séjour.


“J’ai hébergé Tony, c’était un jeune étudiant, il avait une petite copine. Il voulait l’épouser. Sauf qu’il y a eu une opposition de mariage qui était la maman de la jeune fille.


Du coup, elle a dénoncé que c’était un mariage blanc et qu’il vivait chez moi. Je me suis retrouvée à être convoquée au commissariat.”


Durant la crise du covid, des milliers de personnes ont manifesté pour les sans-papiers à Paris. “Ce sont eux qui nettoient les hôpitaux, les EHPAD. La France doit nous payer, en régularisant toutes les personnes qui n’ont pas de titres de séjour."


“J’ai honte d’être Française”


A l’époque, Jacqueline vient de trouver un emploi. Elle est chargée d’études dans un organisme financier. Le commissariat la convoque.


La jeune femme ne peut pas se libérer de son travail pour s’y rendre et demande un nouveau rendez-vous auquel elle n’a pas eu le temps de se rendre.


Un matin, l’accueil de son travail l’appelle : “Jacqueline, il y a des gens pour toi”. La police de l’air et des frontières l’arrête sur son lieu de travail.


La raison : “Vous hébergez un sans-papiers. Vous êtes en garde à vue”. Quand j’ai eu ça, j’ai dit : “J’ai honte d’être Française”.


“J’ai juste été accusée de ne pas avoir vérifié son titre de séjour”


La jeune femme est licenciée par son employeur. Elle explique à la télévision à l’époque : “J’ai juste été accusée de ne pas avoir vérifié son titre de séjour, et ça je trouve scandaleux qu’on me reproche ça. Donc du délit de solidarité ou d’humanité”.


Elle interroge aujourd’hui : “Fraternité c’est quoi ? Fraternité c’est aider son frère. Frère, ça peut être une personne que tu trouves dans la rue.”


Après son arrestation, un comité de soutien se met en place. Dans des images d’archives, Danièle Ragain, qui appartient au comité, s'exprime : “J'imagine mal qu'elle ne soit pas relaxée, parce qu’il est évident que la moindre condamnation, le moindre petit sursis est inacceptable.”


Jacqueline a parlé devant la presse, des conférences de presse ont été données avec les personnes sans titre de séjour.


Être poursuivi en justice pour avoir aidé des migrants sans titre de séjour : c'est le "délit de solidarité". Dans le film Damien veut changer le monde, Franck Gastambide interprète un surveillant confronté à cette situation. Il raconte.


Jugée “coupable exemptée de peine”


Sur les images d’archives, le journaliste commente : “Aujourd’hui, ils sont 66. 66 cinéastes français qui élèvent la voix contre les lois sur l’immigration, avec pour point de départ, l’histoire d’une jeune femme lilloise jugée coupable d’avoir accueilli chez elle un Zaïrois sans papiers.”


Dans un autre reportage, on dit : “Demain, Jacqueline sera jugée. Elle encourt 6 ans de prison ainsi qu’une forte amende.”


Jacqueline se rappelle du jour de son jugement : “Je me retrouve au tribunal de Lille, il fallait voir le monde. Je me suis dis : mais j’ai fait quoi ? On dirait quelqu’un qui a tué quelqu’un.”


“Si je devais le refaire, je referais la même chose”


“On m’a accusée de ne pas avoir vérifié le titre de séjour de Tony. Ça veut dire que si je vois un sans-papiers là et que je l’amène chez moi parce qu’il est blessé, il faut que je lui demande un titre de séjour.


Ça je l’ai retenu, hein, mais ça, je ne l’ai pas encore avalé, en fait.”


Quelques temps après, la jeune femme est “coupable exemptée de peine” : “Si j’étais coupable, ils m’auraient donné quelque chose. Ça veut bien dire quelque chose.


Ce que je voudrais, c’est qu’on arrête de condamner les personnes qui aident les migrants, les personnes individuelles, pas les organisations clandestines. Les gens comme moi, comme toi, qui veulent aider quelqu’un.


Si je devais le refaire, je referais la même chose. Je regrette rien du tout. Mais je me dis : non, la bataille n'est pas finie.”


Sans titre de séjour, il a escaladé 4 étages à mains nues pour sauver un enfant de 4 ans. Mamoudou Gassama va être naturalisé français. Voici son histoire.


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