Ça vient d'où, la grève ?

Des centaines de milliers de manifestants sont attendus dans les rues à l'occasion de la grève contre la réforme des retraites. Mais au fait, quelle est l’histoire de la grève ? Brut a interrogé Bastien Cabot, docteur en histoire contemporaine

“Il y a des avancées qui sont permises grâce à la grève, ça c'est évident”


Ce jeudi 19 janvier, des grèves sont attendues dans toute la France contre la réforme des retraites. Tous les corps de métiers sont appelés : professeurs, conducteurs de train, de métro, dans les raffineries… La grève ne date pas d’aujourd’hui. Mais quelles en sont ses origines ? L'une des premières grèves documentées a eu lieu au 12e siècle avant Jésus-Christ. “On a un papyrus, qui est dit ‘le papyrus de la grève’, qui est conservé à Turin. On voit plusieurs mentions du fait que les ouvriers cessent leur travail, déposent leurs outils, et une autre mention, qui est très importante, c'est lorsque le scribe, Amennakht, écrit: ‘Les ouvriers ont passé les murs”", explique Bastien Cabot, Docteur en histoire contemporaine.
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Les premières grèves


Il continue : “Ce n'est pas une grève au sens contemporain, dans la mesure où il n'y a pas de syndicat, il n'y a pas d'organisation, évidemment, qui encadre cet arrêt de travail, mais il y a deux choses très importantes qu'on va retrouver, y compris au 19e et au 20e siècle, c'est déposer les outils et sortir. Sortir du lieu de production pour aller auprès des autorités réclamer son dû.”
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Ainsi, les grèves sont bien plus vieilles que nos temps contemporains. Mais ce n’est que bien plus tard qu’elles arrivent en France. Le premier droit de grève est accordé aux professeurs d'université, au 13e siècle. Des coalitions organisent aussi des cessations de travail. Mais celles-ci sont interdites après la Révolution française, au nom de la liberté du commerce. “On supprime avec la loi Le Chapelier et les décrets d'Allarde, donc 1791, les coalitions et les corporations, c'est-à-dire le droit de se rassembler, de s'associer”, détaille Bastien Cabot.
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“Ça entraîne, en fait, une pénalisation de la grève, au moment même où l'Europe commence à s'industrialiser. Et on observe la même chose en Angleterre, (…) et le Code civil napoléonien et le Code pénal, qui s'étendent à une certaine partie de l'Europe occidentale vont implanter dans les autres pays ce principe de pénalisation de la grève qui peut aller jusqu'à la prison et des amendes.”
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L’âge d’or de la grève : le 20e siècle


Les coalitions ne sont dépénalisées que dans les années 1860 en Europe, ce qui entraîne une légère augmentation du nombre de grèves. Mais ces dernières prennent davantage d’ampleur lors de l’arrivée des syndicats professionnels. “Les syndicats professionnels vont être un moyen de canaliser la protestation ouvrière, de la rendre beaucoup moins violente qu'avant. À vrai dire, les syndicats sont aussi des moyens de pacification de la protestation ouvrière, mais ils vont chercher aussi à la rendre acceptable”, ajoute l’historien.
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Le 20e siècle est alors considéré comme le premier âge d’or de la grève et de leurs revendications. “C'est dans ces années-là que la culture de la grève, c'est-à-dire ce moment de fête, ce moment de célébration, ce moment de cortège qui vise à se promener dans les rues d'une ville, dans les rues d'un coron, etc., que ça prend forme, où on manifeste en famille, avec les femmes, les enfants.”
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“Les très grands mouvements grévistes qu'a connus la France, 1936, 1968, c'est, dans un cas, 2 millions de grévistes, dans l'autre cas, 7 à 8 millions. En 1936 comme en 1968, l'État est intervenu pour réguler et pacifier les revendications sociales, et aboutir, par exemple en 1968, à la revalorisation du SMIG, qui a pris 35 %. C'est colossal, donc ça montre bien, là aussi, qu'il y a des avancées qui sont permises grâce à la grève, ça c'est évident”, conclut Bastien Cabot.
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