Ils se battent pour que leur boulanger ne soit pas expulsé

"On voudrait qu'il puisse avoir une vie normale de gamin de 20 ans…" Mory Mara est boulanger et menacé d'expulsion. La boulangerie où il travaille a reçu l'ordre de mettre fin à son contrat. Et pour ses employeurs comme pour l'association Patron.ne.s solidaires, ce départ est inconcevable.

“Ça fait 4 ans, tu te lèves dans la nuit à 4h et on te dit de laisser ce métier”

 

On s’est rencontrés en 2018. Il est venu lors d’un stage parce qu’il voulait devenir boulanger absolument. Et puis on l’a pris en stage”, explique Frédéric Peuillon, gérant de la boulangerie Lou Pan. Après deux années d’apprentissage, il a embauché Mory Mara, jeune immigré guinéen. “On avait besoin de lui, déjà, il était formé parfaitement, il faisait parfaitement le travail”, écrit le gérant. Mais aujourd’hui, Mory Mara est menacé d’expulsion, après avoir passé plus de 4 ans en France. 

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“Si demain il ne travaille plus là, qu'est-ce qu'il va devenir ?”

 

Je suis venu en France à l'âge de 16 ans. Et j'ai commencé à sortir de mon pays parce que j'avais des problèmes de famille. Et je suis venu au Mali. Du Mali, je suis parti en Algérie. Et de l'Algérie, je suis parti en Libye. En Libye, ils traitaient les gens comme des esclaves. C'était pas facile pour nous”, se souvient Mory. “Aujourd'hui, je suis vraiment fier de moi, parce que quand j'ai commencé en apprentissage, je travaillais pas tout seul, mais aujourd'hui, je travaille tout seul parce que je connais bien mon boulot. Tout ce que je fais : le pain, les cookies, la brioche. Tout ce que je fais, comme le pain qui est là, je ne le fais pas pour moi, je le fais pour les clients. Et les clients qui viennent sont super contents et puis on a des belles baguettes.

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Si demain il ne travaille plus là, déjà, moi, je pense à lui, qu'est-ce qu'il va devenir? Qu'est-ce qui va se passer? Parce que c'est déjà un jeune qui a tellement vécu de choses horribles, qui est passé par des choses qu'aucun être humain ne devrait vivre”, pense Frédéric Peuillon. Son absence poserait aussi problème pour le fonctionnement de la boulangerie. “On va devoir réduire un peu la voilure au niveau de nos fabrications, de notre développement. Donc économiquement, ça va avoir un impact immédiat parce que de toute façon, on ne trouvera pas de boulanger tout de suite ou alors, vraiment, il faut un coup de chance. On a pas besoin de ça parce qu'entre les problèmes énergétiques, les problèmes de matières premières, les problèmes sociaux qu'on rencontre, on a du mal à trouver du personnel.

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“Il peut demander un réexamen de sa situation administrative”


On a reçu en novembre 2021 sa première OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) et on a immédiatement pris une avocate sur Lyon pour lui permettre de se défendre au mieux. On a saisi le tribunal administratif de Lyon qui nous a rendu réponse, ensuite, que c'était négatif. Suite à quoi on a continué de se battre, on a fait appel, on a joint directement la préfecture, on a fait appel à des soutiens extérieurs. Malheureusement, rien n'y a fait. Et donc, il y a 15 jours, on a reçu ce fameux courrier de la préfecture nous demandant de mettre un terme à son contrat et nous laissant 15 jours pour avoir notre avis, un droit de réponse”, décrit Frédéric Peuillon. 

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En ce moment, c'est difficile pour moi, parce que quand le métier que tu fais, ça fait 4 ans, tu te lèves dans la nuit à 4h, 2h du matin pour venir bosser et on te dit de laisser ce métier, je peux dire que c’est difficile. Je cotise à la mutuelle, j'ai une maison que je paye chaque mois, je paye mon électricité depuis 3 ans. Et si on me dit de lâcher mon boulot, comment je paye mon électricité ? Comment je paye mon courant ? Comment je paye ma maison ? Comment je me nourris ?”, questionne Mory Mara. 

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Contactée par Brut, la préfecture de l'Ain précise : "M. Mara étant salarié dans la même (en contrat d'apprentissage puis en CDI) et justifiant ainsi d'une expérience professionnelle et de perspectives d’intégration, peut demander un réexamen de sa situation administrative en postulant à l’admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, démarche qu’il doit cependant réaliser lui-même ainsi qu’indiqué en août 2021, le recours à des tiers ou mandataires étant proscrit pour les demandes de titre de séjour.

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