Thaïlande-Cambodge : Les affrontements "pourraient devenir une guerre" alerte Bangkok, plus de 138.000 déplacés

Credit : chuanchai / Getty images
Jeudi, des combats d’une rare intensité ont éclaté à la frontière entre les deux pays, faisant au moins quinze morts. Une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU est programmée vendredi.
À voir également sur Brut

Le ministère thaïlandais de la Santé a fait état de 15 morts dont un militaire, et plus d'une quarantaine de blessés de son côté. Plus de 138.000 habitants des provinces du Nord-Est ont aussi été évacués vers des abris temporaires, selon les autorités.

Le Cambodge a déploré pour sa part un mort, un homme de 70 ans, et cinq blessés, dans la province frontalière d'Oddar Meanchey (nord-ouest), dans ce qui constitue son premier bilan officiel. 

Des journalistes de l'AFP ont également vu quatre soldats khmers recevoir des soins dans un hôpital de cette région, ainsi que trois civils traités pour des éclats d'obus.

A la demande du Premier ministre cambodgien Hun Manet, le Conseil de sécurité des Nations unies doit tenir vendredi une réunion d'urgence à New York.

Son homologue thaïlandais, Phumtham Wechayachai, qui occupe cette fonction par intérim, a prévenu que l'aggravation de la situation conduirait à "une guerre".

"Nous avons essayé de trouver un compromis parce que nous sommes voisins, mais nous avons donné l'instruction à l'armée thaïlandaise d'agir immédiatement en cas d'urgence", a-t-il poursuivi.

Au même moment, Bangkok s'est dit "prêt" à négocier une sortie de crise, par la voie diplomatique ou par l'entremise de la Malaisie, qui occupe la présidence tournante de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), dont la Thaïlande et le Cambodge sont membres.

Les Etats-Unis, la France, l'Union européenne et la Chine ont déjà tous appelé au dialogue et à la fin du conflit.

"Si le Cambodge veut résoudre cette question par des canaux diplomatiques, bilatéralement, ou même par l'intermédiaire de la Malaisie, nous sommes prêts à le faire", a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère thaïlandais des Affaires étrangères, Nikorndej Balankura.

"Mais jusqu'ici, nous n'avons reçu aucune réponse", a-t-il nuancé.

Le représentant a également affirmé que les combats avaient perdu en intensité.

"Cessez-le-feu"

Les relations diplomatiques entre les deux voisins, liés par de riches liens culturels et économiques, sont au plus bas depuis des décennies. 

Bangkok a rappelé mercredi son ambassadeur à Phnom Penh et expulsé de son territoire l'ambassadeur du Cambodge, qui a repliqué jeudi en retirant tout son personnel diplomatique stationné à Bangkok. 

Les combats ont repris dans trois zones vendredi vers 04h00 du matin (jeudi 21h00 GMT), a indiqué l'armée thaïlandaise.

Les forces cambodgiennes ont procédé à des bombardements à l'aide d'armes lourdes, d'artillerie de campagne et de systèmes de roquettes BM-21, a déclaré l'armée, et les troupes thaïlandaises ont riposté "avec des tirs de soutien appropriés".

Dans la ville cambodgienne de Samraong, à 20 km de la frontière, plusieurs familles avec des enfants et leurs affaires à l'arrière de leurs véhicules étaient en train de s'enfuir à toute vitesse, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"Je n'ai pas pu tout prendre avec moi", explique Salou Chan, 36 ans, qui s'est réfugié dans un temple bouddhique avec ses deux enfants. "Je suis inquiet pour mes enfants. Ils ont pris peur quand ils ont entendu le bruit des fusillades."

"Je ne sais pas quand on pourra rentrer chez nous", a-t-il poursuivi.

Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a indiqué jeudi soir avoir perçu des "signaux positifs" lors d'échanges avec ses homologues thaï et khmer, en vue d'un "cessez-le-feu" et d'une "résolution pacifique".

Les deux pays s'accusent mutuellement d'avoir ouvert le feu en premier et défendent leur droit à se défendre. Bangkok a aussi accusé ses adversaires de cibler des infrastructures civiles comme un hôpital et une station-service, ce dont Phnom Penh s'est défendu.

La Thaïlande a également déployé plusieurs avions de combat F-16 pour frapper ce qu'elle a présenté comme étant des cibles militaires cambodgiennes.

Appels au dialogue

Bangkok et Phnom Penh sont engagés dans un bras-de-fer depuis la mort d'un soldat khmer fin mai, lors d'un échange nocturne de tirs dans une zone contestée de leur frontière commune surnommée le "Triangle d'émeraude".

Les deux pays contestent le tracé de leur frontière commune, définie durant l'Indochine française. 

L'épisode le plus violent lié à ce différend remonte à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins 28 morts et des dizaines de milliers de déplacés.

Le tribunal des Nations unies a donné raison au Cambodge deux fois, en 1962 et en 2013, sur la propriété du temple Preah Vihear, classé au patrimoine mondial par l'Unesco, et d'une zone alentour.

A voir aussi