Le coup de gueule d’Éric Tricot, infirmier-anesthésiste

« On n'est pas payés à hauteur du travail que l'on fait, de la dangerosité. » La médaille du gouvernement, il n’en veut pas. Selon Éric Tricot, infirmier-anesthésiste à l’hôpital CHU Henri Mondor à Créteil, il est temps de donner des moyens pour travailler correctement à l'hôpital.

Le coup de gueule d’Éric Tricot, infirmier-anesthésiste


La médaille du gouvernement, il n’en veut pas. Brut a rencontré Éric Tricot, infirmier-anesthésiste à l’hôpital Chu Henri Mondor à Créteil et membre de Sud Santé.


« On n'est pas payés à hauteur du travail que l'on fait, de la dangerosité », déplore l’infirmier-anesthésiste Éric Tricot. Il le martèle : même avant l’épidémie de Covid-19, les personnels soignants étaient à bout. Aujourd’hui, c’est encore pire. Et rien n’est prévu pour les aider selon lui, sinon une médaille du mérite. Brut l’a rencontré.


« On est tellement à flux tendu qu'on ne peut pas prendre nos jours de congé »


La dangerosité, en France, elle se paie – selon un article qui date du décret de 1967 – 31 centimes par demi-journée travaillée. Vous multipliez par 2, parce que c'est une demi-journée, ça fait 62 centimes. Voilà. Nous, on a travaillé auprès des patients Covid-19 pour 62 centimes d'euros par jour de travail.


Et là-dessus, le gouvernement vous dit : « On va vous récompenser, on va vous donner une médaille. » Non, cette médaille, on n'en veut pas. C'est exactement le même topo que ce député qui a eu l’idée de dire : « On va leur donner des dons. » Faire des dons pour des jours de congé ! Je vous rappelle quand même qu'une de nos revendications, c'est parce que justement, on est tellement à flux tendu qu'on ne peut pas prendre nos jours de congé.


« Ça fait 12 ans que nos salaires sont gelés »


Ça fait 12 ans que nos salaires sont gelés. Qu'on ne cesse de réclamer des moyens pour travailler correctement dans les hôpitaux, qu'on demande d'avoir des recrutements à hauteur. Mais comment faire pour recruter des personnels dans les hôpitaux ? Il faut les faire venir, et on n'attire pas des mouches avec du vinaigre. Donc, c'est les salaires. De vrais salaires décents !


Là, actuellement, c'est la colère qui prime. Il est clair que la visite du Président Macron à la Pitié-Salpêtrière où il reconnaît qu’il s'est trompé pendant ces deux années, qu'il a fait son mea culpa… Ça fait trop d'années maintenant qu'on descend dans la rue, que la seule réponse des gouvernements, c’est les coups de matraques, les coups de gazage, les tirs de LBD.


Et là, parce qu'il y a eu une pandémie, on découvre les vraies valeurs de l'hôpital public. C'est pas les syndicats qui ont été initiateurs de ce mouvement. C'est vraiment les réanimations qui en ont ras-le-bol. Ils sont fatigués psychologiquement, physiquement.


« Hormis pour la maladie du sida, on n'avait jamais vu autant de morts dans les services »


Prendre en charge un patient Covid-19, ceux qui ne travaillent pas à l'hôpital et qui méconnaissent le métier ne peuvent pas se rendre compte de ce que c’est. On a repoussé les limites, on a parfois travaillé en méthodes dégradées. Ça a eu une conséquence terrible sur les personnels, ça les a épuisés physiquement Ça faisait très, très longtemps – hormis la maladie du sida dans les années 1990 – qu'on n'avait pas vu autant de morts dans les services.


Imaginez qu’on faisait les toilettes aux patients de près, pour qu'ils soient propres et qu'ils sentent bon. L'après-midi, on faisait la toilette du même patient, mais c'était une toilette mortuaire. C'est pour vous dire l’ambiance anxiogène. On a eu des collègues qui se mettaient à pleurer le soir, qui étaient épuisés. On le voyait bien. Ils étaient à bout de nerfs et émotionnellement fatigués.


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