1. Des témoignages clés pour marquer les jurés
En près de sept semaines, l'accusation a cité 34 témoins, mais les récits de deux anciennes compagnes du rappeur et d'une ex-assistante ont marqué les esprits. Les deux premières, la chanteuse de R&B Casandra Ventura, dite "Cassie", et "Jane", une femme restée anonyme, ont tour à tour raconté en détail comment elles avaient été contraintes de se livrer à des marathons sexuels avec des hommes prostitués, dans des mises en scène très chorégraphiées, afin de satisfaire les désirs du rappeur et producteur, qui se masturbait ou filmait.
"C'était dégoûtant, c'était trop, j'étais accablée", a dit Cassie, durant ses quatre jours de témoignage. Elle a aussi décrit l'emprise du producteur sur sa carrière, sa vie et les violences qu'il lui faisait subir, dont une pluie de coups en 2016 dans le couloir d'un hôtel de Los Angeles, sous l'oeil d'une caméra de vidéosurveillance, un épisode montré plusieurs fois aux jurés.
Avec les témoignages de Cassie et de "Jane", l'accusation veut convaincre les jurés de déclarer le rappeur coupable de trafic à des fins d'exploitation sexuelle.
2. Diddy, à la tête d'une entreprise criminelle ?
C'est le chef d'accusation le plus grave du procès, passible de la prison à vie. Les procureurs veulent démontrer que l'empire musical et culturel bâti depuis des décennies par P. Diddy, dont son label Bad Boy Entertainment, a servi à faire fonctionner ce trafic sexuel, à travers des violences, des menaces et intimidations, à l'image d'une organisation criminelle.
Pour cela, ils ont fait entendre des employés qui ont expliqué que la fourniture de drogues, préservatifs, lubrifiants pour les "freak offs" faisaient partie de leur routine. Les procureurs ont voulu montrer que la violence était inhérente à cette entreprise criminelle.
Lorsque Diddy a appris que Cassie fréquentait le rappeur Kid Cudi, il aurait embarqué de force, muni d'une arme à feu, son assistante Capricorn Clark pour "aller tuer" son rival, lequel a finalement retrouvé sa voiture en feu.
Une autre assistante, Bryana Bongolan, a raconté le jour où l'accusé l'a soulevée et suspendue au balcon du 17e étage d'un édifice pour la terroriser. Un employé de l'hôtel où Diddy avait violemment agressé Cassie en 2016 a aussi expliqué avoir reçu 100.000 dollars en cash pour remettre l'enregistrement des caméras au magnat.
3. La défense à l'attaque
A coups de contre-interrogatoires musclés, les avocats du rappeur devenu richissime entrepreneur ont tout fait pour discréditer un à un les témoins à charge. Cassie a été soumise à un feu roulant de questions, visant à lui faire concéder qu'elle participait de son plein gré aux parties sexuelles avec d'autres hommes.
"Je suis toujours prête" pour un "freak-off", le nom qui leur était donné, avait-elle écrit à son compagnon, en 2009. La chanteuse n'a pas contesté, tout en expliquant qu'elle était sous l'emprise de Diddy.
L'un des enjeux pour les jurés sera de fixer la frontière entre le consentement et la contrainte. Dans leur plaidoirie initiale, les avocats de P. Diddy ont assuré que ses accusatrices étaient des "femmes adultes, capables et fortes". Cassie et "Jane" ont admis que leurs relations respectives impliquaient de l'amour et du désir, mais qu'elles étaient dans le même temps soumises à des menaces liées à leur réputation, à leur situation financière et à leur intégrité physique.
4. Des traces numériques
Les enregistrements de messages privés ont joué un rôle majeur pour l'accusation, qui dispose de milliers de pages de relevés téléphoniques et SMS. Une grande partie des débats a consisté en une lecture méticuleuse des échanges entre P. Diddy, ses anciennes compagnes et d'autres protagonistes. Les jurés ont aussi visionné, à l'abri des regards du public, des vidéos des orgies que les procureurs qualifient de criminelles.
5. Un procès people, mais pas de grand déballag
Depuis le 12 mai, les jurés ont pour consigne de ne pas s'informer sur le dossier, une mission ardue tant le procès a envahi médias et réseaux sociaux. Sur place, les influenceurs rivalisent avec les chaînes d'info traditionnelles et profitent de l'engouement pour raconter le procès sur TikTok, YouTube ou Instagram.
Incarcéré, P. Diddy n'entre ni ne sort publiquement du tribunal. Mais c'est le cas de certains témoins, comme le rappeur Kid Cudi, ou de Kanye West, venu brièvement apporter son "soutien" à l'accusé. Le procès n'a en revanche donné lieu à aucun déballage sur d'éventuelles autres célébrités impliquées dans les crimes reprochés au rappeur. Au faîte de sa gloire, P. Diddy était connu pour donner de grandes fêtes, les "white parties", où se pressait une partie du show-biz dans des villas luxueuses.