Une nuit aux urgences d'Orléans

"C'est vraiment le métier que j'aime faire, j'ai quand même envie de rester, d'y croire et de me battre pour le sauver." Manque de personnel, services saturés, soins en flux tendu… On a suivi le médecin Matthieu Lacroix et l'équipe de soignants pendant une nuit, aux urgences d'Orléans.

“On est une dizaine d'équivalents temps plein alors qu'il faudrait qu'on soit 21”


“Donc là, ce soir, on a de la chance, on est 3 jusqu'à minuit et on sera 2 à partir de minuit et il y a aussi 3 internes avec nous.” Matthieu Lacroix est médecin aux urgences d’Orléans. Ce jour-là, il commence à 18h30, relayant l’équipe de jour. “Je vais aller revoir les patients qu'on m'a transmis et puis commencer à voir un peu les nouveaux, aussi, qui attendent maintenant”, décrit-il.
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Sa soirée commence par un “miracle”, selon ses propres termes. “C'est comme ça que ça devrait fonctionner, en fait. De pouvoir voir un patient et d'appeler et on a un lit pour lui, et, en plus, le lit adapté dans la bonne spécialité, on n’a tellement pas l'habitude que là j'en suis presque tout étonné, quoi, presque ému.” Cependant, cela reste un “miracle relatif”. “C'est ce qu'on appelle un ‘lit couloir’, donc… il va être dans le couloir.”
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Des services saturés


Les urgences sont dépendantes des autres services et de leurs disponibilités pour envoyer leurs patients. “En fait, l'hôpital, il fonctionne vraiment à flux tendu, t'as aucune marge, en fait, donc la seule marge qui reste à l'hôpital, c'est les urgences, qui sont une sorte de soupape, tu vois, de poche qui peut gonfler, gonfler, gonfler à l'infini. À un moment, non, justement, il y a des limites à ce qu'on peut faire.”
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Quand il n’y a plus de places dans les autres services, ils sont donc obligés de s’adapter. “Soit on les hospitalise dans des services qui ne sont pas les services adaptés pour leur problème, soit, et c'est ça la solution la plus fréquente, ben ils passent la nuit aux urgences et puis on essaie de stabiliser les choses le temps qu'ils puissent aller dans le service de spécialité, demain, après-demain, après-après-demain, parfois 3, 4, 5 jours.”
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C’est le cas d’un de leurs patients ce soir-là, victime d’un AVC. “Il a bien récupéré, donc il n'a plus aucun déficit, là. Dans la mesure où il n'y a plus aucun lit de neurologie et que, globalement, c'est un patient qui a un bon profil pour dire qu'il ne va pas récidiver là, tout de suite, maintenant, ben il va rentrer chez lui. On fait une consultation de neurologie en externe, une consultation de cardiologie en externe, des examens qu'on va faire en ville”, détaille Matthieu Lacroix. Mais cela n’est pas la situation la plus idéale pour lui. “Dans un monde idéal, on l'aurait gardé à l'hôpital, en neuro, et on aurait fait tout le bilan avant de le laisser rentrer, quoi.”
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“On a appris aujourd'hui la démission d'une collègue”


Le manque de personnel ne les aide pas non plus. “Aides-soignants, il en manque un peu. Le problème, c'est qu'il y a beaucoup de turnover, en fait, parce que les équipes s'épuisent, donc on n'arrive pas à garder, vraiment, à fidéliser les infirmiers longtemps. Par contre, c'est au niveau médical où c'est la cata, quoi. Parce que là, on est une dizaine d'équivalents temps plein alors qu'il faudrait qu'on soit 21.”
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Beaucoup quittent la profession face à ces difficultés d’exercer. “On a appris aujourd'hui la démission d'une collègue, on a d'autres confrères qui là, bon, vont très probablement partir pour ouvrir un centre de soins de médecine générale, en gros, d'autres qui partent dans d'autres services de l'hôpital ou dans des structures privées ou faire de l'intérim.”
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Matthieu Lacroix a lui aussi pensé à laisser le monde des urgences. Pourtant, il tient à continuer pour cette profession qui l’anime. “Là, pour l'instant, c'est quand même vraiment le métier que j'aime faire, j'ai quand même envie de rester et d'y croire et d'essayer qu'on se batte encore pour sauver ce qui peut être sauvé, quoi.”
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