Cette femme de 41 ans, qui s'est adressée à la cour avec des mots forts et une émotion contenue, prête à déborder, a raconté son arrivée en novembre 2015 à la clinique Saint-Vincent, à Besançon, où ont eu lieu la plupart des empoisonnements reprochés à son collègue.
"Je m'aperçois rapidement que je ne m'y plais pas: le rythme de travail est extrêmement soutenu; l'ambiance est extrêmement virile, avec une certaine hostilité à l'égard des jeunes femmes anesthésistes", a-t-elle déclaré, déplorant que "pour certains médecins, la priorité absolue c'est l'argent. La médecine n'est pas une fin en soi, mais un moyen de devenir très riche".
Elle constate vite aussi le nombre anormalement élevé d'EIG (évènements indésirables graves) à la clinique Saint-Vincent.
"Jeune associée indigne"
Nommée gérante de la Société des anesthésistes de l'établissement, la jeune praticienne prend vite conscience des conflits qui gangrènent le groupe, et le rôle central de Frédéric Péchier dans ceux-ci.
Alors qu'elle tente de remettre de l'ordre dans la société, Frédéric Péchier lui adresse un mail dans lequel il l'accuse d'être une "JEUNE ASSOCIEE indigne".
Eprouvée par ces accusations, enceinte, après avoir "perdu tardivement des jumeaux" peu de temps avant son arrivée à la clinique, elle part en arrêt maladie six semaines.
Le jour de son retour, son premier patient, Henri Quenillet, 73 ans, est victime d'un arrêt cardiaque soudain.
À la barre, la praticienne n'a aucun doute: le septuagénaire est mort d'une "hyperkaliémie (excès de potassium) d'origine exogène, le mode opératoire à ce moment-là affectionné par monsieur Péchier".
"Descente aux enfers"
L'accusation soupçonne l'anesthésiste d'avoir introduit du potassium dans les poches de perfusion de plusieurs patients pour provoquer leur arrêt cardiaque et ainsi nuire à ses collègues anesthésistes qui en avaient la charge.
Le décès de son patient et la mise en examen du Dr Péchier en mars 2017 entrainent la "descente aux enfer" de la jeune mère dont "le mariage est parti en lambeaux" et qui a "sombré dans la dépression".
"J'avais l'intime espoir qu'il fasse des aveux", dit Loubna Assila, "mais je pense qu'il s'est enfermé dans une forteresse de mensonge et j'espère que les jurés auront du discernement et qu'il sera condamné pour ces 30 empoisonnements".
Frédéric Péchier, 53 ans, a toujours clamé son innocence. Il comparaît libre, mais encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu d'ici le 19 décembre.








