Désaccords au gouvernement : Macron appelle chaque ministre à "s'occuper" de ses "affaires"

Crédit : Chesnot/Getty Images
La passe d'armes entre ministres a contaminé le sommet de l'exécutif: Emmanuel Macron a recadré François Bayrou et appelé jeudi le gouvernement à "discipliner la parole" après des querelles publiques sur les énergies renouvelables, sur fond d'ambitions présidentielles et d'affaiblissement du Premier ministre.
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Le Premier ministre, "il doit diriger son gouvernement" et les ministres "doivent s'occuper des politiques qu'ils conduisent", a cinglé le président de la République en marge d'un déplacement dans l'Aveyron.

Evoquant la présidentielle, il a assuré qu'il y aurait "le temps des débats, des programmes", mais "là il y a le temps du gouvernement de la France" et "chaque ministre doit s'occuper des affaires pour lesquelles il est nommé".

François Bayrou, qui s'exprimait en même temps que le président sur BFMTV, ce qui est rare, a dans un premier temps appelé ses ministres à cultiver "l'esprit de responsabilité" pour s'exprimer "avec un tout petit peu plus de nuances".

Puis interrogé sur ce recadrage en direct du chef de l'Etat, il a expliqué avoir "voulu un gouvernement de poids-lourds" qu'on ne peut pas mener "comme une classe enfantine", et dénoncé "des campagnes internes, des mouvements politiques".

Mais "c'est moi qui tranche", a-t-il assuré, en démentant toute pagaille, puisque le sujet des énergies renouvelables "est un sujet arbitré. Il y aura du renouvelable".

"Eviter le chaos"

Pourtant juste avant de se rendre à Matignon mercredi soir pour un apéritif destiné justement à aplanir les dissensions au sein du socle commun gouvernemental, le patron du parti présidentiel Renaissance, Gabriel Attal, a critiqué sur X Bruno Retailleau. Le ministre de l'Intérieur, coiffé de sa casquette de président du parti Les Républicains, venait dans une tribune de demander l'arrêt des "subventions publiques" pour l'éolien et le photovoltaïque. 

Un "contresens historique et scientifique (...) incompréhensible", a lancé l'ancien Premier ministre et chef de file des députés du camp présidentiel.

"Du populisme", a tonné un peu plus tard la ministre Renaissance de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, en accusant son collègue de vouloir "récupérer des voix à droite et au-delà" et en interrogeant son "sérieux".

Auprès des producteurs de roquefort, le chef de l'Etat s'est rangé aux côtés des responsables de son camp. "On a besoin de renouvelable", a-t-il lancé, en appelant à "sortir des lubies" et des caricatures.

Bruno Retailleau s'est justifié en marge d'un déplacement à Libourne (Gironde), en expliquant être entré au gouvernement "pour éviter le chaos" mais en restant fidèle à ses idées.

Les relations entre chefs de partis du socle commun se tendent d'autant plus que trois d'entre eux, Gabriel Attal (Renaissance), Edouard Philippe (Horizons) et Bruno Retailleau (Les Républicains), aspirent à se présenter à la présidentielle et cherchent à se démarquer.

"Très énervé"

L'équation est encore compliquée par le fait que Bruno Retailleau est à la fois un poids lourd du gouvernement et président de LR. Et à ce titre susceptible de s'exprimer sur les dossiers de ses collègues.

Les divergences s'étalent aussi parce que le Premier ministre, François Bayrou, semble affaibli. 

Au plus bas dans les sondages, il est non seulement toujours privé de majorité à l'Assemblée mais il ne bénéficie plus de la neutralité des socialistes depuis l'échec du conclave sur les retraites et entre dans une zone délicate avec la préparation du projet de budget 2026, dont il dévoilera les grandes lignes le 15 juillet.

"Si en plus, ça se fissure vraiment beaucoup dans le socle commun, c'est quand même un risque supplémentaire de fragilisation", souligne une ministre.

François Bayrou est en tout cas "très énervé" par ces hausses de température au sein de sa coalition et par l'absentéisme de ses élus au Parlement, selon un proche.

Il aura l'occasion de s'en expliquer mercredi midi, quand il recevra les parlementaires de sa coalition pour la fin de session.

Le projet de François Bayrou d'instaurer un mode de scrutin proportionnel aux législatives est un autre sujet de tensions. La droite y est vivement opposée. Et seul le MoDem au sein du camp présidentiel y est franchement favorable.

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