Les deux mains jointes devant lui, le quinquagénaire, le visage fermé et les yeux fixés vers le sol, n'a pas montré d'émotion à l'annonce du verdict.
Les jurés n'ont pas été convaincus par les thèses du tir accidentel et de la légitime défense. Ils ont assorti leur peine, légèrement inférieure aux 27 ans requis par l'avocat général, d'une période de sûreté de 14 ans.
Les faits remontent à la nuit du vendredi 13 au samedi 14 mai 2022. Martial Lanoir circule au volant de sa BMW sur un boulevard parisien à proximité du Moulin Rouge lorsqu'il est témoin, selon lui, du "lynchage" d'un homme par quatre individus.
Il affirme leur avoir demandé d'arrêter depuis son véhicule, avant d'en sortir, de brandir son arme pour leur "faire peur", sans succès, et de tirer sur "le plus véhément" du groupe, Eric Casado Lopez, alors âgé de 27 ans.
La scène ne dure pas plus de 20 secondes. Martial Lanoir regagne ensuite son domicile. Il s'apprête à charger des bagages dans sa voiture quand la police vient l'interpeller, au terme d'une brève course-poursuite à pied.
Une simple "bosse"
Convaincu qu'une guerre civile menace d'éclater en France, le complotiste portait régulièrement sur lui dans un holster, afin de se protéger, une arme, un pistolet de calibre 45 volé à une connaissance.
Il reconnaît être l'auteur du tir mortel, mais parle d'un accident, sa main crispée par le "stress". "Je jure devant Dieu que je n'ai pas voulu tuer qui ce soit", déclare-il lors de sa dernière prise de parole.
"Le coup ne pouvait pas partir tout seul", oppose l'avocat général Marc Nouvion, s'appuyant sur l'expertise balistique. "Il n'y pas de doute sur le fait qu'on a voulu tuer".
Pour le représentant du parquet, les critères de la légitime défense, pour autrui, ne sont par ailleurs "pas remplis", en raison notamment d'une réponse jugée disproportionnée.
Martial Lanoir prétend être intervenu pour "sauver une vie", au milieu d'une altercation décrite par son avocat comme une "scène abominable", d'une "violence extrême".
Une version remise en cause par l'avocat général, qui pointe un "décalage" avec la simple "bosse" constatée par les médecins chez l'homme pris à partie. "On ne lui donne même pas de Doliprane".
"Le procès du complotisme"
Marc Nouvion rappelle dans ses réquisitions la "personnalité impulsive" de l'accusé, mais ne souhaite pas "réduire cet acte à une impulsion".
"Nous ne sommes pas face à un dérapage, mais à un passage à l'acte construit, dirigé par la colère. Sa vie est empreinte de violence, elle est son quotidien", estime-t-il, même si la justice n'a pas retenu le mobile raciste.
Prolixe sur les réseaux sociaux, Martial Lanoir dénonce des attentats commis selon lui par les services secrets et affiche sa sympathie pour l'essayiste d'extrême droite Alain Soral.
Quelques heures avant son tir mortel, un message vocal haineux et antisémite, appelant à "éliminer les cafards", est publié sur un groupe Telegram qu'il anime, nommé les "anti-smith".
Il admet que la voix ressemble à la sienne, mais parle d'une manipulation par intelligence artificielle. "Des gens malveillants m'en veulent beaucoup à cause de mon combat politique", assure-t-il, persuadé qu'on cherche à faire à travers lui "le procès du complotisme".
"Il a sauvé la vie d'un homme et on le met en prison parce qu'il est censé avoir fait l'apologie d'Hitler", déplore son avocat, François Danglehant, qui avait défendu avant lui l'ancien humoriste Dieudonné.