Lors de son premier procès, en octobre, Emilie G., 33 ans, a plaidé "l'acte d'amour", disant avoir agi pour abréger les souffrances du vieil homme, qu'elle a décrit comme un "foetus vieux".
Visiblement convaincus, les jurés de la cour d'assises du Rhône l'ont reconnue coupable mais ne l'ont condamnée qu'à cinq ans de prison avec sursis.
Le parquet, qui avait requis 15 ans de prison pour cet "acte cruel", a fait appel du verdict, renvoyant l'accusée devant les assises de l'Ain, de lundi à mercredi.
Entre-temps, le parlement a adopté en première lecture un projet de loi sur l'aide à mourir et la fin de vie, un sujet sensible qui devrait à nouveau affleurer dans les débats.
La jeune femme, dans un "état dissociatif" "de nature à altérer son discernement" au moment des faits selon un expert psychiatrique, risque la réclusion criminelle à perpétuité.
En août 2020, le nonagénaire a été retrouvé mort brûlé et asphyxié dans son lit médicalisé chez une de ses filles, à Saint-Laurent-de-Mure (Rhône). Placée en garde à vue deux mois après, sa petite-fille, qui venait régulièrement s'en occuper, reconnaît l'avoir tué.
"Plus la force"
"Elle a conscience a posteriori qu'elle n'aurait pas dû et pas par ce moyen, mais lors des faits, elle n'avait plus la force de faire autrement", explique à l'AFP son conseil, Me Thibaud Claus.
Depuis des années, l'accusée, souffrant de symptômes dépressifs, assistait à la dégradation de l'état de santé de celui qui l'a en partie élevée et qu'elle considérait comme son père.
Après une chute en 2015, son grand-père avait été placé en résidence médicalisée, où Emilie G. assure l'avoir découvert un jour dans un état lamentable de quasi-abandon. Choquée, elle retire son aîné, équipé d'une sonde urinaire et de couches, de la résidence. La fille et le gendre du vieil homme le récupèrent chez eux, dans une chambre aménagée.
Une prise en charge quotidienne difficile pour les parents de la jeune femme, qui les seconde tout en gérant l'éducation de ses enfants, ses problèmes de couple et ses multiples échecs au Capes, le concours professoral.
Un mois avant les faits, Emilie G. retrouve son grand-père baignant dans ses excréments après une absence prolongée de ses parents. Elle l'affirme : il lui aurait demandé de mourir, sans qu'elle n'en informe pour autant le reste de la famille.
"Exorciser sa frustration"
Mais l'élément qui déclenche le passage à l'acte, c'est l'adultère de son conjoint, qui lui annonce le 23 août 2020. La goutte de trop pour la jeune femme: elle emporte un bidon d'essence et passe chez ses parents pour mettre le feu au lit du vieillard endormi, expliquant en première instance n'avoir pas voulu "le brûler" mais simplement l'asphyxier.
À la barre, l'accusée devra revenir sur le choix de cette sinistre méthode: elle explique avoir versé de l'essence en tremblant, sans trop regarder, mais l'expertise a conclu à un "dépôt minutieux" de carburant sur le matelas et la couette.
Elle a reconnu avoir ensuite jeté une feuille enflammée dans la chambre avant de fermer la porte et de partir en courant. Selon le rapport médical, le grand-père, piégé, a agonisé pendant quelques minutes et est mort de l'inhalation des fumées et de brûlures profondes.
Un "acte cruel et égoïste" selon l'avocat général Romain Ducrocq, qui avait lors du premier procès dénoncé une méthode "pour exorciser sa frustration, ses échecs multiples". "Son grand-père est-il mort dignement ?", s'était-il interrogé.
Pour les proches de la jeune femme, qui ont fait bloc autour d'elle jusque là, elle a juste eu le "courage" de passer à l'acte.