Dans un discours au salon qui met cette année l'accent sur l'espace, le président français a souhaité que l'Union européenne se donne les moyens de devenir une "puissance spatiale" et promis de "se battre" pour une "préférence européenne" en la matière.
Il a également annoncé pour fin octobre une "stratégie spatiale nationale" française, qui s'articulera avec l'européenne, et l'organisation début 2026 d'un "Space Summit" en France pour "consolider toute cette stratégie et mobiliser nos partenaires publics et privés à travers la planète".
Emmanuel Macron a relevé que l'Europe spatiale avait ces dernières années "manqué plusieurs tournants", qu'il s'agisse des lanceurs réutilisables ou modulaires.
S'imposer sur les orbites basses
"SpaceX a bouleversé le marché, Amazon se lance aussi. La Chine n'est pas en reste et je pense qu'il faut qu'on soit très lucide tous ensemble", a-t-il noté, en remarquant que les Européens avaient été "à deux doigts d'être totalement sortis du jeu des constellations LEO", les satellites en orbite basse encombrées où sont massivement déployés les satellites Starlink d'Elon Musk.
"On ne peut pas accepter que nous, nos partenaires, devions passer ou dépendre de constellations non européennes en orbite basse", ce serait "une folie", a martelé le président français.Il a soutenu l'augmentation de capital massive annoncée jeudi pour développer l'opérateur des satellites Eutelsat et a appelé des acteurs extra-européens, "golfiques, indiens, canadiens, brésiliens" à en devenir "partenaires".
La France a annoncé jeudi qu’elle allait réinjecter 717 millions d’euros dans le groupe Eutelsat dans le cadre d'une levée de fonds plus large, devenant ainsi son principal actionnaire.
Eutelsat est un acteur-clé avec SES et Hispasat dans un consortium pour mener le projet européen de la constellation multiorbites Iris², un chantier majeur pour la souveraineté stratégique européenne.
Iris² s’inscrit comme un complément stratégique à Galileo et Copernicus, et comme alternative européenne aux constellations étrangères telles que Starlink (SpaceX), Kuiper (Amazon) ou OneWeb.
"C'est le programme européen le plus ambitieux jamais réalisé dans ce domaine stratégique de 10 milliards et demi d'euros (...). On doit l'accélérer, on doit le simplifier, mais surtout, on ne doit pas l'attendre", a souligné le président.
Côté satellite de télécommunications, il a salué les efforts de consolidation des poids lourds européens, Airbus, Thales et Leonardo pour construire "un champion européen des satellites compétitifs".
"C'est évidemment le sens de l'Histoire. Ils ont notre plein soutien, notre confiance et j'ai la volonté qu'on arrive le plus vite possible à bâtir ce champion", a-t-il poursuivi.
"Boulet"
Le président Macron a par ailleurs critiqué le retour géographique en Europe, un principe de répartition des retombées économiques d’un programme spatial entre les pays membres d’une agence comme l’ESA, proportionnellement à leur contribution financière.
"On a mis un boulet au pied" d'Ariane 6, fusée symbole de l'accès de l'Europe à l'espace et qui avait pris du retard avant son premier vol inaugural l'été dernier et son premier vol commercial au printemps.
Les concurrents "ont des règles de production beaucoup plus simples. Nous, on fait traverser nos satellites, nos lanceurs de missiles cinq ou six fois la frontière (...). Cherchez l'erreur", a dit M. Macron.
"Notre Europe doit donc décider de redevenir une puissance spatiale, la France en étant le coeur", a-t-il plaidé, au nom aussi de la défense du continent face à la "menace existentielle" qu'est la Russie.
Il a rappelé que la dépense spatiale par habitat s'élevait à 200 euros aux Etats-Unis, 32 en Europe et 46 en France.
"Alors qu'on prépare le cadre budgétaire à venir, le spatial doit être un enjeu-clé, et on doit mettre plus d'argent en Européens sur le spatial", sans oublier de "continuer de faire venir les capitaux privés".
Interrogé dans le cadre du Bourget pour savoir si les 60 milliards d'euros réclamés par les industries spatiales lui paraissaient réalistes, le commissaire européen à la Défense et à l'espace, Andrius Kubilius, a répondu à l'AFP: "Tout paraît réaliste jusqu'à ce que vous voyiez les chiffres".