Affaire Dandonneau : quand un homme simule sa mort et laisse un SDF brûler à sa place

En juin 1987, une voiture prend feu sur une route déserte de l’Hérault. À l’intérieur, un corps calciné, identifié comme celui d’Yves Dandonneau. Mais quelques mois plus tard, l’homme est retrouvé vivant. Il a orchestré sa propre mort en sacrifiant un sans-abri…
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La nuit de l’accident 

Dans la nuit du 6 au 7 juin 1987, en pleine nuit, une voiture percute un rocher sur une petite route isolée dans l’Hérault. 

L’impact n’est pas très violent, mais le véhicule prend feu. 

Le conducteur, Daniel Blouard, s’en sort miraculeusement et part chercher les secours. 

Ces derniers découvrent un corps totalement calciné sur le siège passager. Il s’agirait d’un certain Yves Dandonneau, 41 ans, ancien cadre d’assurances.

Quand la femme d’Yves Dandonneau, Marie-Thérèse Héraut, arrive sur les lieux, elle est formelle, il s’agit bien de son mari. 

Comme il le souhaitait de son vivant, son corps est incinéré sans autopsie. 

Yves Dandonneau est officiellement mort.

Le puzzle des assurances

Dans les semaines qui suivent, plusieurs compagnies reçoivent des demandes d’indemnisation. 

Et là, surprise : 8 contrats d’assurance-vie ont été souscrits par Yves dans les mois précédents sa mort, pour un total de plus de 11 millions de francs

Tous désignent sa compagne, Marie-Thérèse Hérault, comme unique bénéficiaire.

Le profil du défunt intrigue. 

Le montant élevé, la souscription rapprochée des contrats et l’accident mystérieux déclenchent un signal d’alerte.

Une compagnie britannique mène sa propre enquête et mandate Bernard Gay, un de leurs inspecteurs d’assurance. 

Puis une autre compagnie française mandate la cellule Anti-Fraude (ALFA) et fait appel à Jean Porcer, un détective privé. 

Un cadavre pas comme les autres

Les premières incohérences apparaissent vite : pourquoi Dandonneau roulait-il de nuit sur une route peu fréquentée ? 

Pourquoi le véhicule était-il en seconde, les roues tournées vers le rocher ? 

Pourquoi n'y a-t-il aucune trace de freinage ? 

Comment se fait-il que la voiture ait eu le temps de complètement brûler avant l’arrivée des secours ? Blouard y aurait-il mis le feu avant d’appeler à l’aide? 

Lorsque qu’un ingénieur du CARME (centre d’application et de recherche en microscopie électronique) parvient à reconstituer une partie de la mâchoire de la victime à partir des os restants, le doute devient certitude : ce n’est pas Yves Dandonneau qui a brûlé dans la voiture.

Un sans-abri sacrifié

L’enquête identifie la véritable victime : Joël Hipeau, un homme passionné des musiques de Georges Brassens qui a fini sans-abri.

C’est avec l’aide de son ami, François Meunier que Dandonneau aurait “recruté” la victime.

Dandonneau l’aurait abordé quelques jours avant le drame, lui proposant un voyage dans le sud sur les traces de Georges Brassens. 

Ce jour-là, Joël Hipeau monte dans la voiture sans savoir qu’il n’en redescendra jamais. 

Le soir du 6 juin, il est endormi, drogué au Valium et à l’alcool, installé sur le siège passager.

Dandonneau, aidé de Daniel Blouard, met le feu au véhicule. Puis disparaît.

Une arrestation déclenchée par un retrait suspect

Une fois l’escroquerie révélée, reste à mettre la main sur Yves Dandonneau, désormais en cavale.

L’enquête prend un tournant inattendu deux jours à peine après son ouverture officielle à Montpellier.

À Paris, dans une poste du 15e arrondissement, Marie-Thérèse Hérault, la compagne de Dandonneau, est repérée en compagnie de Danièle Simonin, la secrétaire et maîtresse du faux défunt, ainsi que du mari de cette dernière.

Le trio tente de retirer 2,4 millions de francs en espèces.

Intrigués par le montant, les employés de la poste alertent la police, qui place les trois suspects en garde à vue. Mais le juge d’instruction ordonne leur libération. 

Cette surveillance permet toutefois à la justice de placer les lignes téléphoniques sur écoute.

Quelques jours plus tard, la cachette de Dandonneau est révélée : une villa discrète au Rouret, près de Cannes. 

Le 15 janvier 1988, les gendarmes interviennent. Dandonneau tente de se faire passer pour un certain Bernard Depenne. Son visage ayant été modifié par plusieurs opérations de chirurgie esthétique.

Mais il est rapidement confondu. Face aux preuves, il avoue son identité et livre les noms de ses complices. En quelques heures, toute la bande est arrêtée.

Un procès sous tension

Le procès s’ouvre à Montpellier en octobre 1992. Dandonneau est condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Daniel Blouard, le chauffeur de la voiture, écope de 14 ans, mais il retrouvera la liberté quelques années plus tard. François Meunier prend 9 ans. Les deux femmes, impliquées dans les retraits et la mise en scène, reçoivent des peines avec sursis.

Dans sa plaidoirie, Éric Dupond-Moretti, avocat des parties civiles, rend un hommage à Joël Hipeau. 

Il dépeint un homme cultivé et sensible, réduit à l’errance mais pas à l’insignifiance “ce n’était pas un déchet humain” dira-t-il, reprenant l’expression de Dandonneau.

Yves Dandonneau est libéré de prison en novembre 2001.

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