Le 18 décembre 1986, dans la petite ville du Creusot, en Saône-et-Loire, la journée avait commencé comme tant d’autres.
Christelle Maillery, 16 ans, quitte son collège peu avant midi pour rentrer chez elle, à pied, comme à son habitude.
Mais ce jour-là, elle ne franchira jamais la porte de l’appartement familial.
Trois heures plus tard, son corps est retrouvé dans un local à vélo, à seulement 250 mètres de chez elle.
Elle a reçu 31 coups de couteau.
L’enquête, d’abord intensive, piétine rapidement. Les suspects défilent, les pistes s’évanouissent.
Quatre ans après le meurtre, en 1990, le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu.
Les scellés, pourtant essentiels, sont détruits.
L'affaire tombe dans l'oubli judiciaire.
Seule la famille continue de se battre.
Un dossier abandonné, une mère déterminée
La mère de Christelle, Marie Pichon, refuse de tourner la page. En 2003, elle rejoint l’association des familles des “disparues de l’A6”, un groupe rassemblant les proches de plusieurs jeunes femmes tuées entre 1980 et 1990 le long de l’autoroute A6 en Saône-et-Loire.
L’association engage un détective privé pour relancer l’enquête.
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C’est un témoignage, jusque-là jamais livré à la police, qui fait basculer l’affaire.
Michel Bartolo, l’ex-petit ami de Christelle, raconte au détective qu’un homme lui avait avoué le crime, quelques années après les faits, sous l’emprise de l’alcool.
Un témoignage qu’il n’avait pas pris au sérieux …
Il s’appelait Jean-Pierre Mura. Ce dernier lui aurait proposé environ 300 euros en compensation du meurtre.
L’homme aux couteaux
Il faudra attendre 19 ans après la mort de Christelle pour que le procureur de Chalon-sur-Saône rouvre le dossier.
Le 13 décembre 2011, Jean-Pierre Mura est placé en garde à vue.
Jean-Pierre Mura est un ouvrier métallier du Creusot.
Il souffre de schizophrénie, a déjà été interpellé pour des agressions au couteau et, quand il était adolescent, a été impliqué dans des cambriolages de caves dans la même résidence que le meurtre de Christelle...
Chez lui, la police découvrira des dizaines de couteaux.
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L’arme du crime, elle, a disparu depuis longtemps. Mais une photographie ancienne permet d’identifier des traces d’affûtage similaires à celles retrouvées sur les couteaux de Mura.
En 2010, l’affaire prend une tournure décisive. Un policier du 36 quai des Orfèvres, Raphaël Nedilko, est chargé de reprendre le dossier.
Il s’attarde sur une lettre anonyme envoyée au procureur : une écriture étrange, troublante.
Comparée à celle d’un échantillon de dictée écrit par Mura lors d’une précédente garde à vue, elle s’avère identique.
L’enquête progresse. Des témoins rapportent que Mura parle régulièrement du meurtre de Christelle mais uniquement en fin d’année.
Comme le rapporte RTL : "Avec le juge, on lui a dit qu'on allait prélever l'ADN sur le sol pour voir si on retrouvait le sien. Évidemment, il y avait très peu de chance que 30 ans après, on en retrouve. Mais je pense qu'il a eu peur qu'on retrouve son ADN, donc il nous a dit : 'Je suis venu uriner à cet endroit-là, quelques jours après qu'on a enlevé le corps'”a déclaré Didier Seban, avocat de la mère de Christelle Maillery.
Une justification qui interroge plus qu’elle ne convainc.
Un procès, une phrase, une condamnation
Le 15 décembre 2015, Jean-Pierre Mura comparaît devant la cour d’assises de Chalon-sur-Saône. Il nie tout lien avec la victime.
Mais les éléments matériels, les témoignages, les écrits, et surtout, une phrase extraite d’une lettre envoyée au procureur général quelques mois plus tôt, vont marquer les esprits.
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Dans un courrier décousu, Mura écrit : “Elle a tué ton bébé, Michel, j’ai bien fait de lui couper la gueule à cette putain.”.
Cette phrase, adressée à l’ex-petit ami de Christelle, évoque un avortement que la jeune fille aurait subi peu de temps avant sa mort.
Une information intime, que seul quelqu’un de très proche, ou de très impliqué dans le crime, pouvait connaître.
Pour les jurés, cette phrase résonne comme un aveu.
La justice, enfin
Jean-Pierre Mura est reconnu coupable du meurtre de Christelle Maillery.
Il est condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Lors de son procès en appel, la peine est confirmée et le discernement de l’accusé, altéré par sa maladie psychiatrique, est retenu.
L’affaire Christelle Maillery est devenu l'un des dossiers emblématiques des "disparues de l'A6" où une dizaine de femmes ont disparu ou ont été tuées entre 1980 et 1990 le long de l’autoroute A6.